La francophonie: une chance pour nos langues maternelles

Article : La francophonie: une chance pour nos langues maternelles
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7 mars 2015

La francophonie: une chance pour nos langues maternelles

         

Le 21 février dernier, le monde a célèbré la journée internationale de la langue maternelle. C’est une bonne chose.

Mais pour moi, sans le français, nos langues maternelles en Afrique ne sont que des vases clos, des îlots isolés et perdus dans le désert. C’est mon point de vue, vous me le pardonnerez.

Nos langues sont de petites tailles et n’ont pas assez de mots. C’est vrai je suis de l’école de Senghor, et je m’en félicite. C’est vrai aussi que le français a tort d’avoir été la langue du colonisateur. Mais qui peut dire que la colonisation n’avait que du négatif ?

Inutile de rappeler que c’est la colonisation qui -mis à part ses mauvais aspects- a fait que nos pays qui au départ n’étaient même pas des Etats-nations puissent atteindre le niveau de civilisation qu’ils ont aujourd’hui. Même si je conviens que beaucoup reste encore à faire.

Il existe environ 2 mille langues en Afrique, mais cette multitude linguistique n’a pas apporté le développement dans nos pays. Car chaque peuple avait sa langue ou son dialecte, et il n’ y avait pas moyen de communiquer avec d’autres peuples. Mais aujourd’hui grâce à la langue française, nous communiquons merveilleusement bien avec les autres peuples du monde. Ce n’était pas possible avec nos langues maternelles. Les échanges avec l’extérieur sont plus faciles en français que dans nos langues locales.

Moi par exemple je suis congolais.  Je parle le tshiluba et le lingala, mais je suis à l’aise partout en Afrique francophone car je communique en français. Si je vais à Dakar au Sénégal par exemple, je ne suis pas obligé d’apprendre le wolof, le sérère, et les autres langues locales du Sénégal. La langue de Molière fait toute l’affaire.

S’il n’ y avait pas la francophonie, en quelle langue m’ exprimerais-je au Togo où l’on parle l’éwé et le kabiyé ? Ma soeur a aimé un ivoirien, l’un ne connaissant aucun mot de la langue de l’autre, mais ils vivent en français et ils ont déjà deux beaux gosses à Abidjan.

Ainsi, le français est une langue extraordinaire ; j’aime le parler avec l’accent de mon pays. J’aime l’entendre quand on grasseye ou quand on roule les r. Je suis francophone.

Surtout le français nous aide à faire connaître nos cultures locales dans le monde.

Je sais quelque chose de la culture du Mali,  du Tchad ou de la Côte d’ivoire, simplement parce que j’ai entendu les hommes et les femmes de ces pays-là en parler en français. S’ils le disaient dans leurs langues maternelles, comment aurais-je pu le savoir ?

Chez-moi en République Démocratique du Congo, nous avons environ 250 langues maternelles. Chaque province a ses propres langues, mais c’est le français qui nous unit. Autrement, il m’aurait fallu apprendre toutes les 250 langues pour communiquer avec mes propres compatriotes !

D’abord, le fait que chez-nous le lingala et le swahili soient les langues les plus parlées dans l’armée et  la police pose toujours problème et crée des frustrations. C’est parce qu’une langue représente une éthnie, et on craint qu’en parlant seulement le lingala ou le swahili ça consacre la suprématie d’une où de deux éthnies sur tant d’autres dans le pays. Et c’est vrai: car celui qui parle le lingala a toujours nourri un complexe de supériorité par rapport aux locuteurs d’autres langues maternelles.

Mais le français est neutre et c’est notre tronc commun. C’est une langue transversale. L’enseignement est en français, les droits de l’homme sont en français, l’administration est en français, la politique est en français…

Je soutiens la francophonie car le français m’a facilité beaucoup de choses dans la vie. Toutes les hautes technologies, si elles ne sont pas en anglais elles sont au moins en français. Et jusqu’à présent, il n’ y a pas encore de nouvelles technologies en tshiluba ma langue.

Ne me comprenez pas mal s’il vous plaît : je ne dis pas qu’il faille abandonner nos langues maternelles. Je suis de ceux qui croient fermement qu’elles doivent être valorisées. Mais à mon avis, pour mieux valoriser nos langues locales, il faut l’intervention d’une langue d’envergure internationale comme le français. Si vous refusez cela,  sachez que votre langue maternelle ne sera utilisée que par vous-même.

En tout cas, moi je ne veux pas être comme les chinois et les japonais qui apprennent tout dans leurs langues maternelles,  mais quand ils viennent en Afrique doivent trouver un interprète.

Pourquoi communiquer par interprète interposé alors que c’est plus facile d’être francophone ?

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Commentaires

Fotso Fonkam
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Le français a sans aucun doute son importance an Afrique. Cependant, dire que c'est une chance pour nos langues maternelles c'est faire de l'ironie, je crois.

En réalité, nos langues maternelles sont étouffées par le français. Elles ne se sont pas développées depuis tout ce temps parce que le français est omniprésent : dans l'administration, dans les écoles, dans les quartiers, en politique etc, c'est le français qui domine. Aucun espace n'est laissé aux langues maternelles qui, de plus en plus agonisent.

Tu prétends que nos langues n'ont pas assez mots? Sérieusement? J'aimerais savoir si le français a les mots pour désigner les mets ou bien les vêtements traditionnels de ton pays, parce que ce n'est pas le cas chez moi. En plus, il y a ce qu'on appelle les emprunts. Quand une langue n'a pas le mot qu'il faut pour décrire une réalité, elle a le droit d'emprunter ce mot à une autre langue qui l'a. C'est le cas de mots comme "rendez-vous" que l'anglais a emprunté au français. Il y en a plein que le français a emprunté aux autres langues.

En outre, je suis étonné que tu accuses les langues africaines de n'avoir pas apporté le développement à l'Afrique. Tu parles de langues qui jusqu'aujourd'hui n'ont connu aucun essor, justement parce que le français occupe tout l'espace culturel disponible. Et puis, le français non plus n'a apporté aucun développement à l'Afrique, que je sache. Pour preuve, regarde juste autour de toi...

A te lire, on a l'impression que sans le français, les Africains n'auraient jamais communiqué entre eux, ce qui est totalement faux. Je prends l'exemple du Cameroun: quand on va vers le sud du pays, on se rend compte que la langue qui y est parlée est la même que celle parlée au nord du Gabon et de la Guinée Equatoriale. Donc, on se comprend parfaitement entre Camerounais et Gabonais. De même, en allant au nord du pays, les langues qui dominent sont parlées en même temps au Cameroun et dans les pays limitrophes. C'est un phénomène linguistique tout à fait normal: au niveau des frontières, les langues ont tendance à se ressembler.

L'omniprésence du français a pour conséquence la mort ou au moins l'absence de développement de nos langues maternelles, ce qui en même temps tue la culture et réduit l'esprit patriotique, car tu dois savoir que langue et culture sont deux faces de la même pièce. Si on étudie le français, on a tendance à aimer la France et à vouloir s'assimiler aux français. Conséquence, on essaie d'immigrer, de parler, de se vêtir comme les français. Pendant ce temps, nos langues, notre culture périssent lentement.

Je ne conteste pas ton amour pour le français, ni ton soutien pour la francophonie. Mais, dire que c'est une chance pour nos langues maternelles, moi j'appelle ça faire de l'humour noir.

Si ça t'intéresse, voici un article que j'ai écrit sur la Francophonie il y a quelques mois. Autant te dire que je ne vois pas les choses de ton point de vue.

Bien à toi.

Jean-Hubert BONDO
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Merci très cher Wilfonkam pour ton commentaire ô combien pertinent et intéressant.

Je partage toute ton opinion sur la francophonie, mais à quelques exceptions près. Tu te souviendras que dès le début de mon billet sur la francophonie, j'avais bien précisé que c'était mon point de vue. Je le maintiens et je persiste car je prétends avoir des arguments. En plus, je ne suis pas le seul à avoir ce point de vue-là chez-nous en Afrique.

D'abord je pense que tu m'as peut-être compris sous un mauvais angle; et je pense également que toi tu devais me donner raison, car voici maintenant je communique avec toi alors que je ne connais pas ta langue maternelle! C'est grâce au français mon frère. Il y a deux joueurs camerounais dans l'équipe de football de ma ville; ils ne parlent aucune langue de mon pays, mais ils ne souffrent d'aucun problème de communication car la langue française est là pour faire la médiation.

J'ai aussi dit que nos langues n'ont pas assez de mots: encore une fois je maintiens cela, je persiste et je signe.

Le français compte environ 80 mille mots -mis à part les mots étrangers ou latins. Peux-tu me dire combien de mots compte ta langue maternelle en dehors des mots empruntés ? En tout cas honnêtement je t'assure que ma langue maternelle n'a pas encore atteint ne seraient-ce que 10 mille mots !

Si tu prends par exemple la technologie, tu verras aussi que beaucoup de mots qu'on retrouve en anglais ou en français n'existent pas dans nos langues maternelles. Peux-tu me traduire dans ta langue des mots tels que : vilbrequin, ordinateur, piston, circuit intégré, diode... Si ces mots ont leurs correspondants dans ta langue, alors bravo à ta langue maternelle. Mais chez-moi sincèrement on ne sait pas traduire ces mots-là. On essaie plutôt de les expliquer au lieu de les traduire mot à mot.

Raison pour laquelle j'affirme encore avec force que la francophonie est une chance pour nos langues maternelles.

Je termine par te poser cette petite question: le jour où toi et moi on aura la chance de nous rencontrer, toi un camerounais et moi un congolais, en quelle langue allons-nous nous exprimer ?

Je pense qu'il ne faut pas confondre la francophonie avec la France-Afrique.

Que Dieu te bénisse richement mon frère.

Cordialement.

Fotso Fonkam
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Une langue ne saurait être un chance pour une autre. Elles ne s'entraident pas. Dis-moi, comment le français peut-il aider ma langue maternelle, le Ghomala' par exemple? Le fait que je pratique le français me force à délaisser ma langue. Je ne Peux pas écrire en ma langue, simplement parce que tout ce qu'on fait est en français ou en anglais, donc il n'y a aucun moyen pour ma langue de se développer. Ma langue meurt à cause du français et de l'anglais que je parle tout le temps. Comment peux-tu donc dire que le français est une chance pour ma langue?

Mais j'admets que le français a son importance. Et je l'ai dit au début de mon commentaire, je crois bien. Il a son umportance parce que nous lavons fait primer sur nos propres langue et il est devenu incontournable.

Pour ce qui concerne le nombre de mots, je dirai que ma langue avait assez de mots pour exprimer les réalités que nous vivions avant l'arrivée du français. Et à cause du français, nos langues n'ont pas pu évoluer et s'enrichir de nouveaux mots. Les mots que tu as cités (vilebrequin, diode etc) n'existaient pas en français depuis toujours, ce sont les progrès qui les ont fait intégrer la langue; Si nous avions évolué avec nos langues, elles aussi auraient tous ces mots, et beaucoup d'autres qui n'auraient pas figuré dans les autres langues. Mais l'usage du français a stoppé l'évolution de nos langues.

Le jour ou on se verra, on causera en français. Et ça n'aidera nos langues maternelles en rien.